Le temps vide

L’horloge de mon salon ne veut pas fonctionner plus longtemps que quelques jours. Pile neuve, démontage-remontage pour replacer les aiguilles sur leur pivot, rien à faire pour la motiver. Caprice ? Signe du temps qui ne veut pas filer ?

Je me demande si celui-ci, dans un mouvement de compassion, aurait choisi de se mettre sur pause, pour équilibrer la balance crédit-débit. Comme s’il lui fallait se faire pardonner pour tous ces jours, semaines, mois que l’on n’a pas pu remplir comme on l’aurait souhaité, et qui n’auraient ainsi pas compté. Du temps vide. Du temps vide de nos proches, vide d’embrassades de frôlements de sourires à l’oeil nu, vide de cousinades de mariages en grande pompe de funérailles qui rassemblent, vide d’insouciance de spontanéité de projets sereins et de certitudes certaines ; vide comme mes bras qui ont enserré en tout et pour tout deux uniques personnes depuis de si longs mois, une enfant et un homme; vide comme le velours rouge des lieux où nos yeux et oreilles d’habitude s’émerveillent, vide comme les sièges de nos cantoches préférées où l’on nourrit sa panse autant que l’on se nourrit de ses amis.

Mais ne te méprends pas, petite horloge : ces instants furent remplis pourtant, différemment. Tant pis s’il a fallu changer nos plans. Et je vais te dire une chose, il faut que tu continues d’avancer, pour nous emmener jusqu’à l’après. Si 2021 ne s’annonce pour l’instant pas plus réjouissant, la logique veut pourtant que l’on en passe par là pour atteindre la suite.
C’est ainsi que le temps fonctionne.

Fais-moi encore entendre ton tic tac, s’il te plaît.