Alors j’attends les jours meilleurs

Toutes les photos © R. Kelner

[ Je n’aime pas tellement l’hiver. Je n’aime tellement pas l’hiver ! ]

Je n’aime pas l’hiver.

Le gel me glace le visage et je perds toujours mes gants quelque part. Sans doute au même endroit que mon parapluie.

Mes pieds se refroidissent au fond de mes godasses plus vite que le battement d’un cil. Mes lèvres sèchent et mes mains ne sont plus douces.

Je n’aime pas quand la neige tombe et vient bousculer nos certitudes. Quand la neige ne tombe pas, je sais que mes enfants iront à l’école demain matin et qu’ils sauteront dans un bus pour rentrer demain soir. Quand elle tombe, on ne sait pas : on se dit qu’on verra.

Quand la neige ne tombe pas, je sais que ma voiture pourra gravir la petite côte au bout de ma rue. Quand elle tombe, je ne sais plus : la réponse dépendra de l’heure de passage de la saleuse. Or je ne connais pas les heures de passage des saleuses. Alors c’est bête, mais je suis contrariée. Et je m’interroge : ma voiture gravira-t-elle la petite côte au bout de ma rue ?

Quand la neige tombe, elle me rappelle que j’ai perdu mon âme d’enfant, parce que je pense d’abord aux côtes à gravir et aux trams à l’arrêt avant de penser à fabriquer des bonshommes blancs et me rouler dans la poudre fraîche. Je me dis qu’il va falloir répandre du sel sur le trottoir et je me rappelle que je n’ai toujours pas acheté de pelle à neige.

Mais de pelle à neige, quand il neige, on n’en trouve pas. C’est comme les bottes fourrées : rayons dévalisés. Devrait-on acquérir des pelles à neige en juillet, et des barbecues en décembre ? Ce monde est drôlement fait.

La neige, en ville, c’est moche et c’est gênant. La saumure versée sur la chaussée la transforme un peu trop vite en purée grise rabattue sur les côtés. On ferme les parcs dont les arbres ploient un peu beaucoup passionnément sous le poids de la poudreuse. On ne risque pas. La neige, en ville, c’est joli sur une largeur de cinquante centimètres sur le trottoir ; au-delà, ça gêne. Moi, pour aimer la neige, j’ai besoin d’aller dans les endroits où elle peut ne gêner personne sur une plus grande surface. Des champs entiers comme une mer de mousse ; des chemins vierges à tracer pas à pas ; des sommets enneigés où que l’on pose ses yeux. Là, je veux bien coucher mon corps au sol et battre des bras et des jambes pour tracer un ange ; ou poser mes fesses sur un sac poubelle en haut d’une pente et rire à gorge déployée jusqu’à l’arrivée en bas. La neige, dans ces endroits-là, je veux bien la goûter.

Je suis de ceux qui aiment que les choses aient une place qui ne dérange pas et qui apprécient de ne pas être bousculés. Et c’est bien triste.

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