La chute

J’ai le don d’attirer les emmerdes. Depuis tout petit. Ma sœur me charie souvent avec ça, elle dit que je fais des « Clauderies ». Je produis spontanément et à moi tout seul une espèce de mélange de maladresse, de tête-en-l’airisme et de pas-de-bolitude. Parfois j’ai du répit, notez, par exemple hier jusque dans l’après-midi il ne m’est rien arrivé. Alors vers 16h, alors que je rentrais chez moi en passant par les chemins des jardins ouvriers, j’ai voulu envoyer un petit SMS à ma sœur, pour la narguer : « Toujours en vie !! » ; eh bien croyez-le ou non, c’est pile à ce moment-là que la quantité de poisse que j’avais réussi à repousser des heures durant, et qui semble-t-il n’avait donc pas humblement disparu, mais s’était perfidement amassée au plafond de mon ciel, s’est décidée à me retomber dessus. D’un coup d’un seul. Sous la forme d’une fiente de pigeon. En plein sur l’écran de mon smartphone tout neuf. En levant la tête pour confondre le coupable – quel réflexe stupide, m’aurait-il tendu son attestation de responsabilité civile ? – je trébuchai malencontreusement dans des racines qui dépassaient sur le chemin. A deux doigts de culbuter dans un bouquet d’orties, j’eus le réflexe de balancer mes bras en avant pour m’élancer et tenter une retombée, qui serait certes plus douloureuse mais nettement moins urticante, quelques mètres plus loin. Dans la pagaille, mon pauvre téléphone se fit écraser par mon pied droit (par le gauche ça aurait été comique, cela dit, je vous rappelle que mon téléphone était couvert de merde). Reprenant mes esprits, assis dans l’herbe, le cadavre technologique à la main, je m’aperçus qu’un jardinier m’observait depuis la parcelle voisine. Il me faisait de drôle de signes de la main, pourtant j’étais tombé bien loin des plants de tomates du voisin voyons, qu’est-ce que ma mésaventure pouvait bien lui faire ? Il s’agitait encore. D’accord, un contrat tacite de surveillance mutuelle de jardins était peut-être en vigueur ici, mais mon dieu, quel zèle il y mettait ! Agacé et ne voulant pas perdre la face, je me levai d’un mouvement leste et fit mine de reprendre mon chemin. Le jardinier se mit alors à crier mais il était assez loin, je n’entendais que « Ils sont bons mes fruits !! Ils sont bons mes fruits !! » Non mais ! Ai-je une tête à vouloir acheter des fruits à l’improviste ? Pour ne pas le froisser tout de même, et parce que je ne suis pas un mauvais bougre, je lui fis signe de la main que non, merci, mais non. C’est là que je mis le pied dans ce que je crus être un trou de taupe. Seulement, le trou était plus grand que prévu, l’autre pied suivit, et tout le reste de ma personne, ce qui nous fit tomber, ma carte SIM et moi, au fond de ce qui semblait bien être un vieux puits, dont la margelle avait sans doute disparu. Plouf. Un peu sonné, pas mal trempé, j’entendis le vendeur de fruits courir vers moi. Il se pencha et j’entendis distinctement : « Je vous avais dit, attention au puits!! » Ah oui. Il m’avait dit.

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